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Marquis – Latex Fetish © 2003 Marquis.
Photo: Peter W. Czernich – www.marquis.de
Agnès Giard. – Photo: D.R.
Marquis – Latex Fetish © 2003 Marquis.
Photo: Peter W. Czernich – www.marquis.de
Momification – PP Sauvage – © Pépé Sauvage 2004.
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agnès giard

l’exploratrice de nos fantasmes


Journaliste spécialisée dans les contre-cultures, les nouvelles technologies, le Japon et l’art déviant, Agnès Giard a collaboré ‘‘Marquis’’, ‘‘Technikart’’ et ‘‘Nova Magazine’’, pour ce qui est de la Presse écrite, et à 3w.laspirale.org, un e-zine pour mutants digitaux. Elle vient de publier aux éditions de Cherche-Midi un ouvrage remarqué: ‘‘le Sexe bizarre, pratiques érotiques d’aujourd’hui’’. Richement illustré, ce livre passionnant est une véritable encyclopédie des pratiques amoureuses bizarres de nos contemporains.

Interview: Martin Edenik (2006)
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Retrouver Agnès Giard dans sa page Facebook.
► Martin Edenik: Bonjour, Agnès! Dans l’introduction de votre passionnant ‘‘Sexe bizarre, pratiques érotiques d’aujourd’hui’’, vous écrivez: «les fantasmeurs [...] arrachent le monde à son anesthésie» et «élèvent la sexualité au-dessus de la ceinture». Estimez-vous que les fantasmes nous permettent d’accéder à des niveaux supérieurs du plaisir?

► Agnès Giard: Je suis partie du principe que la reproduction était le degré zéro de la sexualité et que ce qui différenciait l’homme de l’animal était sa capacité à tirer du plaisir de tout... et de n’importe quoi, d’ailleurs! Je ne sais pas si nous – les Humains – nous éprouvons des plaisirs tellement supérieurs à ceux des animaux mais, en tout cas, nous ne sommes pas réduits à attendre la période des chaleurs pour avoir envie. En fait, j’aurais pu intituler mon livre ‘‘le Sexe humain’’ parce que je me suis intéressée à ce qui fait de nous des Humains: cette incroyable propension à trouver excitantes des choses qui, à priori, n’ont rien à voir avec ça. Si vous voyez ce que je veux dire...

► Martin Edenik: Peut-on parler, pour les plus élaborés, de rituels de volupté?

► Agnès Giard: La sexualité est un jeu, avec ses règles et ses codes, donc oui, pourquoi ne pas parler de rituels? Mais je me méfie des mots à connotation religieuse...

► Martin Edenik: Les jeux de rôle, en particulier, peuvent-ils être des amplificateurs de plaisir?

► Agnès Giard : Tous les préliminaires, quels qu’ils soient, amplifient le plaisir: la chatouille, le frottement contre des matières douces aussi bien que le scénario de Tarzan et Jane. Je ne pense pas que les jeux de rôles soient des préliminaires supérieurs aux autres et que tout le monde devrait se convertir aux mises en scène («convertir», quel horreur!). Il y a des gens auxquels ça plaît, auxquels ça apportera un plaisir inouï, et d’autres non.
Je me bats depuis des années contre les tenants du sexe soi-disant cérébral, qui se prétendent plus raffinés, plus intellectuels que les autres sous prétexte que leurs pratiques sont théâtrales. Je hais ces snobinards plus encore que je hais les puritains! Ils prétendent s’inspirer de la grande littérature: le marquis de Sade (un noble, quelle aubaine!) leur fournit un alibi facile alors que, bien souvent, leurs jeux de rôles s’inspirent de séries TV comme ‘‘Zorro’’ ou ‘‘The Avengers’’. Nos fantasmes sont hérités de l’enfance, des films de pirate, des westerns et des bandes dessinées de super-héros. Nos goûts sexuels nous ramènent en enfance, au pays des méchants pas si méchants que ça et des princesses en détresse... Pour beaucoup de fantasmeurs, le jeu de rôle n’est qu’une manière d’approfondir les émotions fortes que l’on a éprouvées en voyant pour la première fois une vision de rêve.

► Martin Edenik: Lors de vos recherches et de vos contacts, vous est-il arrivé d’être troublée par certains fantasmes?

► Agnès Giard : Je trouve que les «furies», les Humains déguisés en animaux anthropomorphes, sont vraiment attirants: les «furies» sont des Humains qui rêvent de devenir des hommes-lions ou des femmes-renards à la fourrure soyeuse et aux pupilles de fauves. Ils imaginent que des crocs leur poussent, ainsi que de longues queues et ils se livrent – en pensée – à des orgies bestiales avec d’autres créatures hybrides comme eux: des femmes-lapines, des femmes-écureuils, des femmes-chattes douces et ronronnantes.

► Martin Edenik: Parcourir votre ‘‘Sexe bizarre’’ (si j’ose dire) permet de découvrir des obsessions assez singulières; est-il possible, selon vous, de les vivre dans le cadre d’une relation amoureuse non vénale: j’imagine que ces séduisantes dominas qui vous emballent dans du plastique, vous ligotent ou vous piétinent ne font pas toutes cela par plaisir?

► Agnès Giard: Je n’ai donné la parole qu’à des femmes amoureuses et à des couples complices, parce que – contrairement à ce que beaucoup croient – il n’y a rien de plus facile que de vivre ses fantasmes avec la personne que l’on aime. Je pars du principe qu’un couple réussi, c’est avant tout un couple qui partage ses fantasmes. Pour moi, la prostitution est le symptôme d’un échec. Avoir recours à une prostituée, c’est renoncer à séduire, c’est aussi renoncer à être soi-même avec ceux qu’on aime. Les prostituées auront du travail tant que les hommes penseront que leur épouse est incapable d’avoir des fantasmes aussi pervers que les leurs – ou tant qu’ils choisiront leur femmes au rayon «maman».

► Martin Edenik: Certains fantasmes ne condamnent-ils pas, malgré tout, à une sorte de solitude amoureuse?

► Agnès Giard: Non. Il n’existe pas de fantasmes réservés aux hommes, condamnés à les vivre en solitaires. La sexualité féminine n’est pas différente de la sexualité masculine. Si les hommes s’enferment dans la solitude, c’est parce qu’on leur a appris qu’un homme – un vrai – n’avait pas le droit de se montrer faible, ce qui est absurde.
La religion pèse encore trop lourdement sur notre société et génère toutes sortes de frustrations. Les femmes n’osent pas parler de leurs fantasmes parce qu’on leur a dit que ça fait peur aux pauvres petits mâles. Les hommes n’osent pas non plus parce qu’on leur a dit que ça fait peur aux faibles femelles. Bref, tout le monde a peur!

► Martin Edenik: Des événements tels que la ‘‘Nuit élastique’’ sont-ils la meilleure chance, pour certains fantasmeurs, de rencontrer des partenaires compatibles avec leurs obsessions favorites?

► Agnès Giard: On peut rencontrer des partenaires partout: au bureau, dans les bars, dans le métro. Il suffit de parler de ce qu’on aime, sans avoir peur d’être jugé.
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INTERVIEW
évidemment, l’avantage avec les soirées à connotation érotique comme la ‘‘Nuit élastique’’, c’est qu’on y trouve un concentré de personnes partagenat à peu près les mêmes fantasmes... Mais c’est un pis-aller. Moi, j’aimerais que les gens viennent aux ‘‘Nuits élastiques’’ sans changer de tenue. J’aimerais qu’ils passent directement de leur bureau à la soirée. Ce serait tellement plus sain que de voir des types honteux en costard cravate se changer subrepticement dans les vestiaires de la soirée et enfiler – comble du scandale à leurs yeux! un pantalon en vinyle.

► Martin Edenik: Des soubrettes masculines aux «queens» du «face sitting» en passant par les hommes-chiens ou les «pony girls», la domination est présente dans nombre de jeux érotiques. Une métaphore? Tout cela est-il politiquement correct?

► Agnès Giard: Le SM se cache souvent derrière des pratiques qui n’ont rien à voir avec l’image caricaturale que l’on s’en fait: la chatouille, par exemple, est une pratique SM, de même que le «petplay». Quand une fille hurle «stop» parce qu’elle est attachée et que son copain lui caresse les pieds avec une plume, on se dit que c’est trop rigolo pour être du SM. Mais il n’y a pas pire torture. Quand une fille doit porter un ruban rose avec un gros nœud autour du cou, comme un caniche, et lécher les bottes de son maître, on se dit que c’est trop bizarre pour être du SM. Mais c’en est. J’ai voulu montrer dans mon livre que le sexe bizarre n’est pas du sexe extrême, ni du sexe trash, mais un jeu de séduction et par là, forcément, un jeu de stratégie avec un rapport de force: c’est à qui sera le plus attirant, le plus aguichant... Le sexe bizarre, c’est un jeu où – d’un coup de plume magique – chacun peut se muer en son idéal érotique. Nous aspirons tellement au bonheur...

► Martin Edenik: Les techno-sexuels et les machines à baiser ont-ils un avenir?

► Agnès Giard: Le fantasme évolue dans ses formes mais reste assez, hummm, primitif.

► Martin Edenik: Pour en revenir aux jeux de rôle, jouer le temps d’une nuit (ou plus si affinités) à être Catwoman ou Cruella, Sacher Masoch ou le Divin Marquis, n’est pas, finalement, une sorte de catharsis qui libère et défoule?

► Agnès Giard: Le sexe libère et défoule, oui, oui! Pas que les jeux de rôle, non, non!

► Martin Edenik: Votre excellent ouvrage regorge d’adresses de sites correspondant à autant de thématiques fétichistes. ça pourrait contribuer à un déplacement des sexualités marginales vers un univers où l’image remplacerait la pratique?

► Agnès Giard: Les gens que j’ai interviewés sont tous des pratiquants. Ils pratiquent d’ailleurs à ce point que, pour la plupart d’entre eux, ils ont laissé tomber leur job alimentaire pour ne se consacrer qu’à l’exploration de leurs fantasmes, et c’est la raison pour laquelle ils ont fini par s’installer sur Internet: c’est le support idéal quand on veut se faire connaître! Mais je peux vous garantir que leur vie sexuelle n’est pas du tout virtuelle!

► Martin Edenik: Quels sont vos projets pour le proche futur? Un nouveau livre?

► Agnès Giard: Oui, chez Albin-Michel: un livre sur l’Imaginaire érotique au Japon. C’est du sexe bizarre, mais au pays des gens bizarres, alors, je pourrais presque l’intituler ‘‘Les Japonais ne sont pas comme nous, enfin, pas comme vous en tout cas’’. Cela dit, c’est long comme titre...

► Martin Edenik: Y a-t-il une ou plusieurs questions que j’aurais omises?

► Agnès Giard: Oui. Je tiens à préciser que mon chat aime faire la sieste à l’intérieur de bottes en cuir encore chaudes. Je lui dois beaucoup...

► Martin Edenik: Encore un féticho...

► Agnès Giard: Hummm...


– The End –
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