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FLORIDA
De Mondrian à Flo-Riant
«Si l’on prenait des morceaux de sucre, une boîte de dominos, qu’en ferait-on? Piet Mondrian, lui, sagement et de façon mathématique, ferait courir des lignes horizontales puis verticales, mais ce ne sont pas de simples traits qui s’étendent et se croisent pour habiller un carré, un rectangle qu’il remplira de rouge, de jaune, de bleu. Mondrian simplifie, aplanit la structure des bâtiments, il épure le beau qui est caché dans ses géométries d’apparences ludiques.

«Pourtant, si l’on veut jouer avec ses œuvres – et c’est ce que je fais – on se rend compte de la multitude de matière vivante présente dans la conception architecturale de la société, telle qu’il l’a construite et projetée à l’infini. Je ne fais que secouer ses idéaux pour y extraire la sève cachée derrière ses toiles. Il a donné les bases et a laissé aux constructeurs le choix de déplier les plans pour faire émerger des villes et que les hommes, les femmes, puissent fermer derrière eux la porte, jaune, bleue ou rouge.
 Fête (24 x 30) – © Florida.
© Florida.
© Florida.
 Bouquet (24 x 30) – © Florida.
 Orbiterian (30 x 42) – © Florida.
Monde riant – © Florida.
INTERVIEW



► Martin Edenik: Bonjour, Florida! On dirait que Mondrian vous a fait une très forte impression... ‘‘De Mondrian à Flo-Riant’’, avez-vous intitulé votre texte. Qui est Flo-Riant?

► Florida: Flo-Riant est la partie cachée de l’iceberg, la légèreté carrée qui tourne en rond dans ma tête, sautille sans craindre d’être croquée par le grand méchant loup abject, donc Flo-Riant n’a pas nécessairement à justifier sa folie douce et craindre de se faire dévorer tout cru par la Bête. *666*


► Martin Edenik: Votre nouvelle période est, selon vous, «la continuité de son (Mondrian) œuvre vue et prolongée par [vos] fouilles derrière ses lignes». Vous sentez-vous une héritière de Mondrian? Ou bien votre actuelle période n’est-elle qu’un simple clin d’œil?

► Florida: J’ai toujours admiré l’œuvre de Mondrian, l’harmonisation épurée de ses constructions. Je me suis souvent imaginée courant sur ses lignes interminables, voyageant, escaladant, contournant, visitant ses villes schématisées. Il nous a offert les façades, suggéré une manière de s’émouvoir dans la ville, laissant le choix aux humains de se blottir derrière ses structures et de mettre la vie dans ses vastes cubes empilés. J’éprouve beaucoup de tristesse quand les seules choses qui relient l’inconscient collectif à propos de Mondrian sont des carrés remplis de couleurs vives que la pub a détournés pour l’élaboration de packaging destiné aux cosmétiques. Mondrian est avant tout un Grand Architecte, un soigneur d’âmes qu’il enveloppe dans des boîtes magiques pour nous rendre le calme et la sérénité à laquelle tout habitant des villes a le droit de prétendre. J’ai ressenti le besoin de sauter à pieds joints dans l’antre de ses géométries pour intégrer sa conception de la ville. Il nous a laissé ses plans en héritage, alors il faut que l’imaginaire qui m’est propre dévoile comment l’on peut évoluer dans les pyramides mondrianesques que ce bâtisseur de génie a élaborées en toute humanité, habillée d’une grande humilité. *666*


► Martin Edenik:  «En dehors de la peinture [je vous cite], vous jonglez avec les mots, les textes, les poèmes – qui sont des touches musicales, criant des messages noirs ou bien colorés selon le contexte sociétal ambiant». Une œuvre poétique est en cours?
 
► Florida: L’œuvre est déjà existante, couchée sur quantité de papier, rangée dans quantité de boîtes pour la simple et bonne raison qu’il faut que mes «maux» restent à jamais écrits, incrustés; ils décrivent ma vie à la dérive et se posent doucement au creux de mes tympans en écho qui ne ment. Petite histoire de l’enfant que j’ai été: Il était une fois une fillette qu’on avait mise en dehors de la fratrie, elle était malingre, triste et bien seule, de livres elle n’avait pas, de cœur elle croyait en être dépourvue, elle était nourrie de soupe à la grimace, elle croyait ne pas avoir de langue parce qu’elle ne parlait jamais, pourquoi aurait-elle parlé à ceux qui ne l’écoutaient pas? Puis on a retiré la fillette de ce monde qui lui était hostile, elle a pu enfin goûter à la bonne soupe qui, en son contenu, renfermait des trésors, des petites pâtes en formes de lettres, tout l’alphabet s’offrait à elle et là j’ai enfin dévoré les mots avec saveur et délectation. Voilà comment, très jeune, j’ai rencontré ma littérature. Depuis, je continue de m’en régaler sans jamais vomir une seule lettre de notre bel alphabet. *666*.


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 «Avec mon ami Samy,
ma Muse, avec qui
je m’amuse et dont j’use».
(Florida).
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«Il a voulu des couleurs primaires vives, pour laisser libre arbitre à la fantaisie de chacun. J’ai mis un pied dans son univers, m’y balade comme chez moi, en laissant les portes ouvertes sur l’imaginaire que l’on ne voit pas, car les lignes qu’il fait se rencontrer restent sages. Après, ça reste ma vision personnelle, mais je vous autorise à regarder par le trou de la serrure et admirer la fourmilière qui foisonne entre les lignes, se cache derrière un mur, escalade mes superpositions de carrés ou bien de rectangles empilés, mais si pleins de nos vies en boîtes.» (*666*).

Interview : Martin Edenik (2013)
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► Martin Edenik:  Vos textes, dès lors qu’ils concernent les humains, se distinguent souvent par leur violence, leur pessimisme. C’est sans espoir?

► Florida: L’humain, cet animal, nous montre un peu plus chaque jour sa capacité à détruire, meurtrir, anéantir la Nature, pourtant, Elle nous parle, mais peu d’entre les inhumains veulent faire l’effort de L’écouter, de bien La traiter. Ils ont tort d’oublier Ses ressources insoupçonnables: la Nature est bien réelle et vivante. Souvent, Elle a montré à l’homme son mécontentement. Sa colère a fait trembler la terre, gronder le ciel, même la mer a léché et recraché des pans entier de villes côtières. A trop tailler dans le gâteau que l’Univers nous a servi, on épuise Dame Nature et on ne contrôle plus rien! Seuls survivront les hommes et les femmes d’action qui sauront se comporter en honorables asticots comestibles. Nous ne sommes que les déchets collatéraux dont la Création ne sait que faire (qu’Elle se rassure, l’homme se charge de son auto-destruction, il est son propre prédateur) *666*.


► Martin Edenik:  Vous n’avez toujours pas envie d’exposer?

► Florida: Pour le moment, j’ai juste envie d’exploser de «couleur» et puis, pour la suite, tout reste envisageable. Mon souci premier est ma crainte de l’humain. Bon, je me soigne et, ensuite, on en reparle *666*...


► Martin Edenik: Votre dernier coup de cœur? Votre dernière colère?

► Florida:  Mon dernier coup de cœur, je le dois à mon grand ami Claude-Samuel Lévine. Il a repris l’œuvre de Messiaen, ‘‘Turangalîla-Symphonie’’ par simulation sur Cubase aux sons d’instruments virtuels, et je dois reconnaître l’exploit phénoménal de la performance artistique qu’il offre à titre posthume au Maître du genre, j’ai nommé Olivier Messian. Tant qu’il y aura des Artistes au sens noble du terme, je resterai encore un peu fouler de mes pieds le plancher des «peaux de vaches». J’ai en moi beaucoup de colère envers les sociétés dites humaines, qui ne sont toujours pas capables de fournir à l’ensemble des Terriens le droit à la dignité tout simplement (à boire, à manger, un toit et une rémunération respectable) *666*...


► Martin Edenik: Votre mot de la fin?

► Florida: Pour le mot de la fin, je vous offre deux de mes citations:

– Même sans avoir le feu au cul, j’en conclus que mon paradis sera l’enfer et mon enfer le paradis (*666*).
– L’ordre est mon désordre, ma différence fait ma force, mes lois sont justes, mais hors-la-loi ! (*666*).


– The End –