INTERVIEW
► Martin Edenik: Bonjour, Henri! Vous suggérez, dans votre site internet, que vous avez dû sacrifier vos études à votre désir d’être peintre. Avez-vous jamais regretté votre choix?
► Henri Lamy: Je ne regrette pas cela. J’ai commencé par une filière généraliste, pour m’orienter vers des matières de plus en plus artistiques. Mais je ne parvenais pas à trouver ma réelle valeur. C’était un peu frustrant. Lentement, mais sûrement, j’ai glissé vers ce que je suis aujourd’hui, où je ressens beaucoup plus de satisfaction.
► Martin Edenik: Vos débuts ont-ils été difficiles?
► Henri Lamy: Je suis encore au début, et je ne considère pas cela comme difficile. Il est vrai que j’ai une vision de ce que je veux devenir. Et, parfois, j’aimerais accélérer le temps. Mais en vérité, si c’était le cas, peut-être me sentirais-je dépourvu, devant un lieu trop prestigieux, une audience trop avertie. Non,
finalement, la seule chose importante est l’évolution. La technique et la réflexion doivent évoluer, et on ne peut pas brûler les étapes. Je ne me bats pas spécialement pour que les choses arrivent. Il advient que d’heureux hasards (la chance n’existant pas, pour moi) se trouvent en général sur mon chemin. Je les saisis au fur et à mesure, et tente d’avancer sur ce chemin. Une main invisible semble me tirer gentiment. Elle réagit à mes propres initiatives, à ma motivation personnelle.
► Martin Edenik: Diriez-vous que vous scrutez les visages pour tenter de comprendre les êtres? Que vous tentez de percer un mystère? Ou bien est-ce trop réducteur?
► Henri Lamy: Même si je trouve ça con de toujours te contredire (tu me permettras de te tutoyer puisque je te
parle sincèrement), je pense le faire encore une fois. Non, ce n’est pas réducteur de dire que je tente de percer un mystère en regardant les gens. Toutefois, cette démarche étant intuitive, ce n’est que grâce à des gens comme toi, que je parviens à le formuler.
► Martin Edenik: En corollaire de TA question précédente, dirais-tu que les visages t’obsèdent?
► Henri Lamy: Totalement. J’aime les voir sous tous les angles, et explorer la diversité des physionomies du globe. Je ne sais pas à quoi cela sert, mais je veux tout connaître. Quand je rencontre quelqu’un, je ne me rappelle généralement de rien d’autre que son visage, surtout pas son prénom. Il m’arrive de prendre le métro et reconnaître des gens à qui je n’ai jamais parlé.
► Martin Edenik: Comment es-tu devenu tachiste? Par admiration pour quelque Maître de ce style – et lesquels? Par simple prédilection?
► Henri Lamy: En fait, je n’arrive pas à admettre que je peux rentrer dans une catégorie. D’une part, parce que «tachisme» pour moi, évoque une empreinte faite au pinceau, molle. La marque laissée par mon couteau (unique instrument utilisé) me paraît plus dynamique qu’une simple tache. Une traînée. D’autre part, ma technique évolue sans cesse. Je peins actuellement au couteau, en faisant des taches, et
des giclures. Mais je prévois de réintroduire le pinceau. La tâche est en tout cas une manière de transformer la technique du pochoir. En voyant les grafs d’Obey, par exemple, j’adorais ces portraits simplifiés à l’extrême, aux contrastes augmentés.
► Martin Edenik: Comment décrirais-tu ta technique, ta manière de peindre?
► Henri Lamy: Ce que je fais, c’est du réimpressionnisme. Je vois la réalité, et l’interprète. C’est figuratif, mais je cherche à ne pas faire double emploi avec la photographie. Aussi, il y a une dimension
abstraite, lorsqu’on regarde la toile de près. Mais c’est si dur d’en parler. Je ne suis sûr de moi que pour le faire, moins pour commenter.
► Martin Edenik: Y a-t-il eu, dans ton cheminement artistique, une ou plusieurs rencontres déterminantes? Et si oui, peux-tu nous en parler?
► Henri Lamy: Oui, les étapes qui jalonnent mon parcours sont, premièrement, le 59 Rivoli (‘‘artftersquat’’ artistique, regroupant trente artistes, racheté par la Ville de Paris); deuxièmement la galerie Saint-Charles. Le premier m’a appris à accueillir l’avis du public (1500 personnes visitent chaque semaine ce lieu incroyable), et
travailler devant des gens. Pour la galerie Saint-Charles, j’ai appris, grâce à Prune Duclos, plein d’infos sur le milieu, ainsi que d’autres peintres, avec qui je peux échanger techniquement, et apprendre. Les prochaines étapes, je t’en parlerai une prochaine fois. En deux mots: Résidence artistique en Chine, couverture d’album reggae, et entrée dans une nouvelle galerie à Bruxelles.
► Martin Edenik: Tes visages sont-ils inventés, ou bien ont-ils des modèles? Fais-tu, avant de peindre, des esquisses, des portraits au crayon?
► Henri Lamy: Le dessin, ça sort toujours de ma tête. C’est avec ça que j’ai commencé. Mais ce n’est pas assez proche de la réalité et, au final, c’est toujours pareil, alors on tourne en rond. Mes peintures proviennent toujours
de photos. La plupart du temps, je les prends moi-même. C’est important, car le choix de la photo représente une attitude précise que je choisis d’interpéter.
► Martin Edenik: Tu es sur le point d’exposer à la galerie Saint-Charles, à Lyon. Combien de toiles comptes-tu accrocher?
► Henri Lamy: Je vais exposer une série d’une quinzaine de toiles, toutes réalisées ces trois derniers mois. Personne ne les a vues jusqu’à maintenant. C’est la première fois que je travaille dans une telle immersion sur une série.
► Martin Edenik: Pour finir, accepterais-tu de te poser une question à toi-même, et d’y répondre?
► Henri Lamy: Penses-tu que ta bonne étoile te guidera? Oui, je crois sincèrement, comme un imbécile heureux, que la vie me sourit. En toutes circonstances, même si elle choisit de me mettre des bâtons dans les roues, ils s’envolent toujours miraculeusement.
– The End –