‘‘Allez, Yallah’’ ! (Sortie/cinémas automne 2006).
Photo du haut : Fouzia, à Lyon. Photo du bas:
installation de la tente.
Guillemette et Leila se marrent.
Le barbu et Ikram.
Débat, en France.
Logo de la Ligue démocratique des Droits
de la Femme.
Françoise K.
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Allez Yallah !

de Jean-Pierre Thorn

«Défendre la cause des femmes»

Documentariste français, Jean-Pierre Thorn tourne son premier premier long métrage en 1968 dans l’usine occupée de Renault-Flins: ‘‘Oser lutter, oser vaincre, Flins 68’’, exemple du cinéma militant.
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En 1969, il va abandonner le cinéma pour un emploi d’ouvrier dans l’usine métallurgique d’Alsthom de Saint-Ouen.  Il ne renouera avec le cinéma qu’en 1978. Il va co-animer une série de dix films intitulés ‘‘Mai 68 par lui-même’’, puis réalisera des courts métrages et des documentaires: – 1965 : ‘‘Emmanuelle’’ (court métrage) – 1968: ‘‘Oser lutter oser vaincre, Flins 68’’ – 1980: ‘‘Le Dos au mur’’ (documentaire) – 1981: ‘’La Grève des ouvriers de Margoline’’ (moyen métrage) – 1989: ‘‘Je t'ai dans la peau’’ (sa première fiction) – 1997: ‘‘Faire kifer les anges’’ (documentaire) – 2003: ‘‘On n’est pas des marques de vélo’’ (documentaire) – 2006: ‘‘Allez, yallah !’’ (documentaire produit par Cargo Films (producteur Jean-Jacques Beineix) – 2010: 93 : ‘‘La Belle Rebelle’’ (documentaire). – En 1989, il signe sa première fiction: ‘‘Je t’ai dans la peau’’. (Source: Wikipedia).
Jean-Pierre Thorn
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Retrouvez Jean-Pierre Thorn dans sa page Facebook.
 
INTERVIEW


► Martin Edenik: Bonjour, Jean-Pierre Thorn! Comment votre film a-t-il été accueilli, à Cannes... et ailleurs?

► Jean-Pierre Thorn: Il a, en général, été accueilli principalement dans le registre de l’émotion, surtout de la part de spectatrices. Certaines, parfois, avouant avoir été contraintes de sortir pour pleurer, car ne supportant pas le constat accablant de la remise en cause de leurs droits de femmes, droits pour lesquelles — leur vie durant — elles avaient combattu. Et ces droits sont aujourd’hui en danger! Les avant-premières du film n’ont pas seulement eu lieu à Cannes (sélection ACID et CCAS ‘‘Festival Visions Sociales’’) mais à l’occasion d’avant-premières dans les cinémas des diverses villes traversées par la nouvelle Caravane des Droits en mai 2006 (Lyon, Strasbourg, Paris, La Courneuve, Montreuil et Dijon...).


► Martin Edenik: Se dresser contre l’intégrisme religieux, en cette époque où la Bien-Pensance fait rage et où certains écolos et autres gens de Gauche semblent prêts à toutes les indulgences envers l’islamisme le plus rétrograde au nom du respect dû aux croyants, c’était risqué?

► Jean-Pierre Thorn: Pour moi non, mais pour toutes les caravanières, oui! Il faut un grand courage pour affronter ce «relativisme culturel» (qualifiant de «valeurs occidentales» les droits universels des femmes à l’égalité). Personne n’a oublié les assassinats  en Algérie de femmes qui refusaient de porter le voile, ni les menaces directes au Maroc de la part d’imams intégristes, ni, en France, certains prêches enflammés après le passage de la Caravane de 2004 en région lyonnaise... Je trouve incroyable cette complaisance de militants se réclamant de la «Gauche» et se faisant les alliés de l’obscurantisme religieux portant en lui le germe de futures bombes humaines contre les valeurs de la démocratie, ici même en Europe! C’est ma colère contre cette léthargie des élites dirigeantes et des médias en Europe qui est à l’origine de mon désir de ce film.


► Martin Edenik: Comment avez-vous choisi ces femmes formidables et courageuses? Quels ont été les critères de sélection?

► Jean-Pierre Thorn: Il n’y a pas vraiment eu de critères de sélection. Elles se sont imposées à moi: par leur courage, mais aussi leur intelligence de la vie, la subtilité de leur stratégie commençant toujours par rencontrer des femmes des milieux populaires, les écouter, les serrer dans leurs bras, avant les réunir dans l’espace public sous ces immenses tentes berbères dressées chaque jour dans les douars et bidonvilles les plus reculés, comme dans les banlieues les plus déglinguées de France... J’ai voulu faire un portrait sensible, chaleureux, hauts en couleur et en émotions de ces caravanières méconnues qui ont une énergie incroyable et n’ont peur de rien. Donner à voir, écouter et aimer ces femmes du Sud qui viennent réveiller, par leur modernité, leurs jeunes consœurs du Nord souvent sous l’influence des discours religieux les plus obscurantistes renforçant un communautarisme exacerbé.


► Martin Edenik: Dans la phase de préparation de votre film, avez-vous envisagé des contacts avec des  organisations féministes? Et après?

► Jean-Pierre Thorn: Ce film n’aurait pu être tourné sans l’implication totale de ‘‘Femmes Contre les Intégrismes’’ (Fci) en région Rhône-Alpes et de la «Ligue Démocratique des Droits des femmes» (LDDF) au Maroc. Elles ont eu l’intelligence de me laisser totalement libre de mes choix esthétiques et de l’écriture du film. Elles sont simplement venues à la fin du montage pour le valider... Je crois que, dans un film, on doit toujours privilégier l’aspect humain, intime, personnel... et refuser de le transformer en simple outil de propagande d’une association! C’est la condition ‘‘sine qua non’’ pour qu’il y ait œuvre d’art susceptible de toucher les plus larges publics, et pas seulement les militants de telle ou telle cause.


► Martin Edenik: Les voix de Sapho et de Bams... Quelles magnifiques présences!!! Avez-vous eu l’occasion de discuter de votre projet avec elles?

► Jean-Pierre Thorn: Avec Sapho pas vraiment, car je suis parti du filmage de son chant (au tout début de la caravane à  Lyon) interprété par elle en direct: ‘‘Kumtara’’, un chant traditionnel arabo-andalou du XIIe siècle connu dans tout le Maghreb exaltant l’arrivée du printemps, les fleurs des amandiers et l’Amour... un vrai pied de nez à toute la pudibonderie intégriste niant la culture musulmane...  Par contre, les textes et les musiques rap, écrits par Bams et Juncazlou, ont été complètement des créations originales pour le film. Nous avons énormément regardé les premières versions du montage, discutés ensemble de mes intentions, du combat des caravanières... pour alimenter leurs imaginaires avant qu’ils n’écrivent leurs textes et musiques.
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J’avoue avoir été complètement comblé par le résultat. Mon souhait était que le rap parle à la jeune génération d’aujourdhui dans les cités (notamment les filles) victime de discriminations et impliquée dans les émeutes de l’automne 2005. Je voulais un contre-point à la seule musique orientale pour couper court à tout exotisme et universaliser l’épopée du film en montrant que c’était le combat de TOUTES les femmes à travers le monde et pas seulement des musulmanes. Cela me paraît fondamental pour éviter toute stigmatisation!


► Martin Edenik: J’imagine que vous devez être fier de vous être ainsi engagé pour la Cause des femmes... Avez-vous, pour le proche futur, des projets de même nature?

►Jean-Pierre Thorn: Ce n’est en aucun cas une question de fierté! Ce sont les caravanières qui sont admirables! Je n’ai fait que mon boulot de cinéaste: elles m’ont ouvert les yeux! Sans elles ce film n’existerait pas. Je vis ce film comme une forme de lucidité absolue face aux dangers de terrorisme extrêmement grave menacant nos sociétés après les attentats de Casablanca, de Madrid ou de Londres. Nous ne pouvons continuer à laisser s’implanter le communautarisme en France et laisser des pans entiers de la République s’enfoncer dans des ghettos, laissés en pâture à des forces obscurantistes très structurées qui utilisent la souffrance des gens pour les séparer encore plus des valeurs de la démocratie et les mener à l’impasse vers une prétendue «guerre de civilisation» contre l’Occident! Les femmes sont en premières lignes de ce combat pour l’égalité. Ne les laissons pas isolées dans ce combat. Soutenons-les. C’est le meilleur rempart contre la montée du fanatisme et de l’extrémisme qui accouchera inévitablement de grandes violences!

J’ajoute que ce n’est pas le premier film où je soutiens la Cause des femmes: j’avais, en 1990, réalisé un film de fiction, ‘‘Je t’ai dans la peau’’ (interprété notamment par Solveig Dommartin, Henri Serres et Philippe Clévenot...) racontant le combat d’une militante syndicale féministe broyée par le pouvoir des hommes. En filmant ‘‘Allez Yallah!’’, j’ai eu le sentiment de poursuivre ce combat (qui s’est déroulé vraiment en France dans les années 1980): la même stratégie féminine mêlant privé et lutte collective, le même rapport à la démocratie, au corps, aux chants, à la danse, à l’amour... En filmant ‘‘Allez yallah!’’, je me suis dit que cette syndicaliste féministe (qui a vraiment existé et dont j’ai raconté la vie) aurait été émerveillée de voir comment les femmes du Sud, aujourd’hui, s’inspirent des même principes pour poursuivre sa lutte...


► Martin Edenik: Y a-t-il un ou plusieurs sujets particuliers dont vous auriez aimé parler?

► Jean-Pierre Thorn: Oui: de l’importance de la culture Hip Hop et de ses artistes rappeurs (telle Bams et DJ Lou), danseurs et graffeurs qui permettent à tout une jeunesse (le plus souvent stigmatisée) de prendre la parole et de dire «j’existe» à travers leurs créations artistiques: une façon pour ces jeunes artistes, devenus des amis, d’affirmer leur énergie positive et leur inventivité formidable bousculant tous les codes poussiéreux de notre système culturel profondément élististe et académique (ou mercantile). J’ai en tête, un jour, de réunir toutes ces énergies de la danse, du rap et du graphisme dans un film comédie musicale Hip Hop. Ce projet a failli prendre corps en 2002, mais a dû être abandonné devant l’incompréhension de décideurs TV, persuadés de la faiblesse d’audimat en «prime time» pour une comédie musicale (avec des artistes basanés)!!!!  J’espère prouver le contraire en remettant en route ce projet de réaliser le ‘‘West Side Story’’ de cette génération. Belle ambition n’est-ce pas?


Interview: Martin Edenik (2006)
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Allez ! Yallah !