INTERVIEW
► Monica Swinn: Bonjour, Lingouf ! Et merci d’avoir accepté de nous consacrer un peu de temps en acceptant de répondre à nos questions. Il suffit, en effet, de se balader un peu dans le Web pour réaliser que vous avez une vie extrêmement remplie. Entre les expos, les concerts, l’animation, la vidéo, les jeux, la création multimédia telle que vous la pratiquez… Est-ce qu’il vous arrive de prendre des vacances?
► Lingouf: Oui, pour faire de la musique, de la peinture ou des travaux…
► Monica Swinn: Selon nos infos, toute cette créativité serait née dans votre enfance d’une passion pour la bande dessinée. Qu’est-ce que vous aimiez alors? Quand vous avez commencé à dessiner, c’était pour faire de la bédé?
► Lingouf: J’ai toujours aimé dessiner. A l’école, je m’amusais à faire des petits livres «dont vous êtes le héros» illustrés, avec des histoires débiles. Comme beaucoup de ceux de ma génération, je me suis gavé de télévision, de séries américaines et de dessins animés japonais. Vers onze ans, je suis tombé par hasard sur le magasine ‘‘Psikopat’’, j’ai découvert Carali, Edika, Rifo, Crumb, Shelton, etc. C’est ensuite que j’ai commencé à faire des petites bédés. Parallèlement, je me suis intéressé à l’art moderne, aux surréalistes et aux nouveaux réalistes, aux jeux vidéos...
► Monica Swinn: Je suppose que vous avez commencé à peindre, avec des pinceaux et des couleurs, sur des toiles, avant d’explorer les chemins de la création numérique?
► Lingouf: Exactement…
► Monica Swinn: Qu’est-ce qui vous pousse aujourd’hui à continuer à peindre en utilisant les méthodes traditionnelles, alors que vous êtes arrivé à une maîtrise plus que réjouissante (et visiblement jouissive) des techniques numériques?
► Lingouf: C’est apaisant de revenir à quelque chose de simple, qui fonctionne sans toute une machinerie et qui peut être pratiqué n’importe où, et avec peu de contraintes. Souvent pour mes travaux «numériques», je crée ma matière première traditionnellement, le numérique me sert alors à organiser cette «matière». Par exemple, les images de mon site sont des croquis numérisés puis colorisés à la palette graphique. Pour ma musique, c’est un peu la même chose, je pars souvent d’éléments naturels ou d’instruments plus traditionnels qui vont être enregistrés, découpés, triturés puis séquencés.
► Monica Swinn: Maintenant, la question bateau, mais difficile à éviter: quels sont les artistes qui vous ont le plus marqué? Je ne vous demande pas une liste. Mais juste les quelques noms qui vous
viennent le plus rapidement à l’esprit, dans les domaines auxquels vous pensez en priorité…
► Lingouf: Question impossible, tant il y en a! Bon... Rapidement: Matt Groening, Sonic-Youth, Dantec, Castaneda, Aphex Twin, Venetian Snares, Miyazaki, étienne Chouard…
► Monica Swinn: D’après Wikipédia, votre «style influencé par la culture populaire (cartoon, bande dessinée, musique électronique, rock)», vous rapprocherait de ce qu’on nomme aux états-Unis le «Lowbrow Art». Qu’est-ce que vous pensez de cette étiquette?
► Lingouf: C’est assez vrai, car une bonne partie de mes influences trouve sa source dans la culture populaire. Après, les étiquettes... En général, je les arrache (au bout d’un moment, ça démange).
► Monica Swinn: Vous créez de la musique électronique, vous donnez des concerts, vous faites des CD (dont, en plus de la musique, vous réalisez les visuels), vous concevez des jeux vidéo. De toutes vos activités, quelle est celle que vous ressentez comme la plus vitale?
► Lingouf: Ces dernière années, la musique a pris une place importante, c’est devenu une activité quotidienne. Aujourd’hui, je jongle principalement entre la musique et la peinture. Mais, finalement,
le support n’a pas vraiment d’importance, que ce soit en musique, ou en image, c’est toujours la même énergie qui s’exprime.
► Monica Swinn: Quand on explore votre site Internet ou qu’on va faire un tour sur votre Myspace, on se rend compte très vite que vous avez une conception généreuse de la création artistique. Ce qui est de plus en plus rare dans notre monde,
essentiellement marchand. Quelques mots là-dessus?
► Lingouf: Je suis très proche du monde des logiciels libres : Linux, Ubuntu, l’Open Source, le Creative Common [merci professeur Lionel et Gérard P.]. L’idée d’avoir un système autonome construit par plusieurs personnes qui partagent leurs connaissances me plaît beaucoup...
► Monica Swinn: Quels sont, dans l’immédiat, vos projets artistiques les plus excitants?
► Lingouf: Cette année, deux albums très différents l’un de l’autre devraient sortir sous le label allemand ant-zen. Aussi, nous allons
continuer à organiser des soirées avec le collectif ‘‘Otolythe’’ ; nous cherchons des lieux pouvant accueillir des événements qui mêlent art plastique et musique électronique. À suivre...
► Monica Swinn: Pour terminer, quelque chose que nous n’avons pas abordé et dont vous aimeriez parler?
► Lingouf: Je me demandais si vous étiez des abductés, et si vous n’aviez pas trouvé étrange l’épisode 3 de la Saison 14 de Southpark? (*).
► Monica Swinn: Damned! Vous nous avez percés à jour! Mais pourquoi trouverions-nous étrange ce charmant dessin animé plein d’adorables bambins américains?
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(*) Notre webzine s’appelait alors ‘‘Zone-61’’, non pas par référence à la Zone 51 qui excite tant les ufologues, mais parce que, à l’époque, notre webzine était basé dans l’Orne. – ‘‘South Park’’ est une série télévisée d’animation américaine. Créée en 1997 par Trey Parker et Matt Stone, elle met en scène quatre abominables moutards, dont les aventures constituent une satire souvent virulente de la société américaine. Décapant et délibérément trash: les Simpson, à côté, c’est Blanche-Neige quand elle dort.