INTERVIEW
► Martin Edenik: Bonjour, Marc! Ton très beau livre, ‘‘Anonymus’’, est-il en train de rencontrer le succès qu’il mérite? Nous avons pu constater que, sur Internet, il a suscité des réactions enthousiastes...
► Marc Dubord: Bah! Écoute: pour un premier livre sans texte et lié à une exposition en petit format de surcroît, je ne me plaindrai pas. Il en reste encore quelques-uns, bien entendu, mais ‘‘Anonymus’’ devrait être exposé à Paris encore deux fois, donc, l’un dans l’autre, ça devrait le faire.
► Martin Edenik: Tu évoquais, au début de 2012, une possible collaboration avec le romancier Chris Debien. Cette
collaboration s’est-elle concrétisée? Ou est-elle encore au stade de projet?
► Marc Dubord: C’est encore dans le bureau des manuscrits d’un gros éditeur. Ça vient de passer ce bureau par celui du directeur de collection photo... Alors
j’espère! C’est toujours difficile pour un petit photographe de séduire les éditeurs, alors je croise les doigts. Imprimer aujourd’hui coûte cher et les éditeurs, comme tout le monde, calculent, recalculent avant de lancer les
rotatives!
► Martin Edenik: Lors de votre participation au Festival Européen de la Photo de Nu d’Arles, au mois de mai dernier, as-tu fait des découvertes, des rencontres intéressantes?
► Marc Dubord: Oui, beaucoup! Benoist Demoriane, Martial Lenoir, Le Turk, Louis Blanc, et Fred Bourcier... De belles rencontres, parce qu’on connaît souvent les images des autres via des modèles, mannequins ou expositions, mais on ne se rencontre pas forcément souvent, en réalité. Partager avec les autres est un intermède magique, parfois! On papote comme de vieilles pies devant nos expositions en
refaisant le monde et la profession, puis on se quitte le cœur plein de larmes en regrettant de ne pas habiter plus près les uns des autres!!!
► Martin Edenik: Tes modèles apparaissent dans des tableaux qui suggèrent de multiples influences. Quelles sont-elles? Et comment élabores-tu tes décors et tes scénarios?
► Marc Dubord: Ces influences multiples sont la résultante de mes lectures, et amours picturaux, des films qui m’ont marqué et des musiques que j’écoute! Bref, c’est assez touffu: La BD, avec Mœbius, que j’ai rencontré dans ma jeunesse pour lui présenter mes dessins, mais aussi Bilal, Shuiten et bien d’autres... Quelques amis musiciens qui m’ont tendu la main, comme Charlélie Couture ou Kent, Noem ou Vanessa Mandito, mais aussi des comédiens comme Vincent Moscato. Ensuite les musiques que j’aime: le jazz, avec The Lounge Lizarts, Nina Simones, Tuxedomoon. La peinture de
Rebeyrolle ou Bacon, de Balthus ou Kandinski, Klee et Roberto Matta. Le ‘‘Cinquième Élément’’ et ‘‘Blade Runner’’... En matière de livres: ‘‘Le Parfum’’, de Suskin ou ‘‘L’atelier du peintre’’, de Patrick Grainville, ou ‘‘Black Rain’’, de mon copain Chris Debien. Côté photographes, je ne me lasse pas de Désirée Dolron ou de Cathleen Nandorf, de Saudek et de Witkin.
► Martin Edenik: D’une manière générale, l’année 2012 a été, pour toi, une période d’intense activité photographique. Quel bilan peux-tu en tirer?
► Marc Dubord: C’est pas fini encore (hi !hi ! hi !), alors j’attends la fin de l’année, mais c’est vrai que cette année a été assez fournie... De superbes rencontres, avec Dirk Polak, de Polatwins et Mécano, Kent, Moscato, avec qui j’étais à l’armée, la Madeleine de Proust... Laurent Méthot et Patrick Choffat, sculpteur de projets superbes, comme Japy Factory, ou tous ces bons moments réels qui viennent nourrir la vie après! 2012 aura été une année mal commencée, avec une grosse opération de deux doigts coupés, mais une pirouette aura bien rattrapé le tout... De nombreuses expos, des rencontres super et de la productivité en flux continu! Je ne me plaindrai pas quand je ferai le bilan, je pense! De belles expos, avec ‘‘Lille 3000 l’Étrange’’, mon bouquin, et enfin Paris, en début d’année prochaine pour deux expos. 2012: un bon cru assurément.
► Martin Edenik: Une question que m’a posée une modèle: Quels sont tes critères de sélection pour les modèles?
► Marc Dubord: J’en n’ai pas trop... Pas de critères, dirons-nous. Mais, depuis deux ans, je ne fais plus de collaboration en
donnant mes images contre une séance de pose. Alors, déjà, ça enlève beaucoup de gens... J’ai en moyenne 150 à 200 demandes (par e-mails) de collaboration ou de candidature chaque mois; je
ne peux plus, comme avant, dire «oui» à toutes et tous, alors je privilégie les séances qui me rapportent des sous... Disons que c’est le ticket d’entrée, le sas pour faire partie des équipes de mes projets. Ensuite, selon le résultat, j’intègre de nouvelles personnes aux gens déjà dans mes tablettes pour des projets plus ambitieux ou nécessitant de se connaître «pour faire». Si je disais «oui», comme avant, à toutes et tous, je ne mangerais plus que des cailloux. Ceci étant dit, ça me vaut quelques insultes par e-mail ou des réflexions comme : «Nous n’avons pas la même conception de l’art, manifestement»... De la part de certains amateurs ou amatrices, ça me chagrine... Certains ne réalisent pas qu’il faut bien faire rentrer des sous quand on est photographe et que mon métier est de photographier. Bref, ce n’est pas toujours simple de dire «non»,
surtout quand on répond à tout le monde, puisque je réponds toujours.
► Martin Edenik: Tu réalises des publicités pour de grosses sociétés commerciales et donnes des cours privés d’infographie. Te reste-t-il assez de temps pour ton travail personnel?
► Marc Dubord: Des formations de photographes, des tutoriels pour la Presse écrite, des cours de formation professionnelle et la publicité font le lien avec le reste. Malheureusement, les expositions, ventes de tirages
et autres ne suffisent pas toujours à assurer financièrement. Donc, il faut bien se diversifier pour s’en sortir.
► Martin Edenik: Tes photographies suscitent, dans les réseaux sociaux, des commentaires passionnés. Les artistes doivent-ils investir ces agora, les intégrer dans leur stratégie de communication?
► Marc Dubord: je crois, oui. Sans Internet, je ne serais pas grand-chose...
Enfin, si: encore un travailleur social à la tête d’une association de 10 salariés.
► Interzones: Ton message pour Dieu?
► Marc Dubord: Ni dieu ni maître et, sur ma tombe, ni fleurs ni prospectus.
► Martin Edenik: Quel sera ton mot de la fin?
► Marc Dubord : Un petit café SVP...
– The End –