Bertrand aime observer  les oiseaux –  2012 (88 cm x 119 cm).
 Café de la plage – 2011 (71 cm x 110 cm) – sur papier canson.
 Punk Party – 2005 (70 cm x 90 cm).
INTERVIEW


► Monica Swinn: Bonjour, Mystère Tutle! D’abord, une question peut-être indiscrète. Pourquoi cet étrange pseudo? Et d’ailleurs, pourquoi un pseudo, tout simplement? Auriez-vous un certain penchant pour les activités clandestines?

► Mystère Tutle: J’ai emprunté «Tutle» au film ‘‘Brazil’’, ma faute de frappe étant «Tutle» au lieu de «Tuttle» (*). «Mystère» pour le jeu de mot et, il est vrai, en raison d’un certain penchant pour l’Underground. J’ai tendance à me cacher derrière mes toiles.

► Monica Swinn: D’après votre profil Facebook, vous avez appris à peindre tout seul et vous exposez depuis 1990. Quand et comment avez-vous chopé le virus de l’art?

► Mystère Tutle: Le virus de l’art? Très jeune, mais j’étais plutôt attiré par la musique. Après avoir maltraité une guitare, je me suis rendu à l’ évidence... Il y avait le journal ‘‘Actuel’’, la Factory, cela m’a donné envie de m’y mettre. Mais j’étais plutôt attiré par les arts primitifs que par la peinture elle-même. Je pense que cela m’a aidé à me lancer sans trop me poser de questions. Par contre, je me suis dit tout de suite que je partais pour créer mon univers sans vraiment le définir à la base, mais avec l’ idée que si je ne prenais aucun cours et ne fréquentais aucun autre artiste peintre, il se mettrait en place… Sans présager du résultat, les débuts sur des plaques de bois n’étant pas vraiment une réussite. Une fois l’univers un peu posé, j’ai commencé à m’ouvrir, apprendre l’histoire de l’Art, rencontrer d’autres artistes...

► Monica Swinn: Vous aviez vingt ans au milieu des années 80. Toujours d’après votre Facebook, vous avez eu une «jeunesse punk et tumultueuse». Pouvez-vous nous en dire un peu plus?

► Mystère Tutle:  Sur ma jeunesse punk et tumultueuse, pas grand-chose à dire à part le  «do it your self»  et l’ouverture sur la culture underground.

► Monica Swinn: Quels sont les artistes qui vous ont le plus marqué à cette époque? Des chocs esthétiques, des rencontres décisives?

► Mystère Tutle: En peinture, Keith Haring, Basquiat, Combas; en bédé Reiser, Bretécher,Tardi; en musique la vague Punk. Pas de livres. Dans les années 80, la culture ne m’intéressait pas plus que cela, je voulais vivre vite et mourir jeune... J’étais juste attiré par l’énergie, la nouveauté et plus bluffé par des gens capables avec trois accords de tout déchirer, ou des dessinateurs capables avec trois coups de crayons (Reiser) de donner une expression à leurs personnages que par des virtuoses... Aller à l’essentiel, favoriser l’urgence et l’énergie, donner une âme que je trouve noyée dans trop de dextérité. Les limites forcent à trouver des solutions et à explorer son propre univers. Voilà comment j’ai traversé les années 1980.

► Monica Swinn: Quand on parle d’art contemporain, qu’est-ce que cela vous inspire? Que pensez-vous des tendances actuelles, des discours qui les entourent… Est-ce que vous vous sentez concerné? Comment vous représenteriez l’art contemporain en peinture si tout à coup, cette fantaisie vous prenait…

► Mystère Tutle: Je suis loin d’être un spécialiste de l’art contemporain, cela dépend de ce que l’on y met... Je fais de l’art contemporain. Si l’on parle du conceptuel, des vidéos... Moi, je fais de la peinture. J’aime beaucoup Duchamp, il a ouvert des portes. Maintenant, ce qui m’agace parfois, c’est cette intellectualisation à outrance pour, souvent, masquer une œuvre médiocre. Je déteste qu’on soit obligé de m’expliquer pourquoi une toile ou une exposition est belle. En ce qui concerne le monde des acheteurs, les grandes galeries et les prix, je suis dans une autre réalité, je regarde ça comme je regarde des transferts de footballeurs. Je ne ferais sûrement pas un tableau là-dessus, cela ne me touche pas.

► Monica Swinn: Nous avons découvert votre travail sur l’excellent site de l’association A.m.i.s. Par ailleurs, après plus de vingt ans d’existence artistique avérée, vous avez aujourd’hui des fans un peu partout dans le monde. A cause (ou grâce) à Facebook, Mystère Tutle risque de se retrouver tôt ou tard pris dans les filets dorés des musées et des marchands d’art. Qu’est-ce que vous pensez de ce scénario?

► Mystère Tutle: Facebook m’a permis de diffuser ma peinture et d’avoir des réactions de tous les continents, ce qui est génial pour moi qui suis en pleine campagne et qui ai du mal à trouver des expositions. C’est d’ailleurs par le biais de Facebook que j’ai rencontré l’A.m.i.s et que vous-même m’avez contacté. Pour les galeries, cela fait des années que l’on me prédit une réussite, si cela arrive, j’en serais heureux, mais si je pouvais juste en vivre plus confortablement, cela serait déjà pas mal... Mais je ne connais personne dans ce milieu et, de toute façon, mon moteur n’est pas là.

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► Monica Swinn:  Quelques précisions à propos de vos œuvres sur papier rigide que vous regroupez sous le titre ‘‘Modest’Art’’? Pouvez-vous nous éclairer aussi sur vos opérations ‘‘Attent’Art’’?

► Mystère Tutle: Les ‘‘Modest’’ Art sont faits sur du papier rigide ou du carton. C’est une autre façon de travailler pour moi; sur les toiles, je suis obligé de multiplier les couches pour arriver à donner un bon rendu couleur. Pour les ‘‘Modest’ Art’’, je me force à travailler vite pour plus de spontanéité, deux couches maxi et ils sont à vendre 80 euros pour que tout le monde puisse acheter de l’art. Les ‘‘Attent’ Art’’ sont en papier rigide je les colle sur les murs, ils sont facilement décollables, les gens peuvent rentrer à la maison avec, pour que tout le monde puisse avoir une œuvre d’art, et cela met un peu de couleur dans la ville, sans vandalisme... Le défaut est que, parfois, ils sont adoptés trop vite, les passants n’en profitent pas assez. J’aimerais que les gens les laissent au moins trois ou quatre jours.

► Monica Swinn: Vous faites des expositions au rythme où d’autres donnent des concerts, vous peignez énormément, non? On sent comme une jubilation permanente dans votre façon de peindre...

► Mystère Tutle: La jubilation est là, aucun problème d’inspiration; je passerais mon temps à peindre, d’où le problème de démarchage pour trouver des expositions hors de Bretagne. Je me plais dans mon univers, j’y suis bien.

► Monica Swinn: Quand vous vous retrouvez seul avec vos pinceaux, vous avez des rituels, des manies? Vous travaillez en musique? Vous utilisez des esquisses? Vous improvisez? Comment ça se passe?

► Mystère Tutle: Le top, savoir que j’ai plusieurs jours sans être obligé de sortir, un petit café, internet, musique et peinture, puis télé et peinture. Je fais souvent un dessin sur la toile, en partant d’une idée ou de couleurs... Et je travaille, parfois sans réelle surprise, en maîtrisant du début à la fin, parfois en changeant de direction et, d’autres fois, en me forçant à débuter sur un dessin mal fait pour me forcer à trouver des solutions.

► Monica Swinn: Au fil des ans, votre style s’est affirmé, s’est précisé, vos couleurs se sont faites de plus en éclatantes. Il y a toujours un sourire dans vos images même quand elles évoquent des tragédies. Un parti pris de résistance dans un monde qui va mal?

► Mystère Tutle: J’ai toujours eu un attrait pour les couleurs et, très tôt, c’est ce qui m’ a distingué. Mon concept est assez simple: souvenir du temps présent… Je peins ce qui me touche, si possible avec un peu de poésie. On pourra remonter mon travail comme un album photo, mais je signe toujours «by», car je ne veux pas donner de leçon. C’est ma vision, ma réalité... Le tableau doit se suffire à lui-même avec ses couleurs ses formes, mais il y a toujours plusieurs lectures possibles, les titres ont beaucoup d’importance... Par contre, je sais qu’une fois terminé, le tableau vit sa vie au gré des personnes qui le regardent. D’autant plus vrai que beaucoup des gens sur Facebook sont pour la plupart étrangers et de cultures différentes. Les gens me disent souvent que ma peinture donne le sourire, cela me fait plaisir; je veux donner la pêche, avec mes couleurs, mes sourires. Ma peinture me représente sincèrement, je ne résiste pas, je vis ma vie comme je peux, j’ai des aspirations différentes de ce que me propose le monde libéral, mais je ne suis pas un militant et je pense que mes indignations ont d’autant plus de poids. Je ne veux plus me battre contre un système, j’ai compris, après avoir milité dans différentes associations, que ce n’est pas ma place et que cela ne sert pas à grand-chose… Se battre contre, c’est faire exister... En clair, ma façon de résister est de vivre autrement. Si je peux donner un peu de bonheur autour de moi et éveiller quelques consciences, c’est la cerise sur le gâteau.

► Monica Swinn: Le «trublion underground breton» que vous êtes compte-t-il exprimer sa rébellion créative dans d’autres domaines que la peinture? Quels sont vos projets?

► Mystère Tutle: Le côté trublion de l’Underground breton, c’était avant. J’ai beaucoup milité, fait des performances pendant des festivals ou des concerts mais, depuis deux ou trois ans, je me suis calmé pour m’occuper un peu plus de la peinture. Je dois exposer hors de Bretagne et sortir de l’Underground pour toucher plus de gens, sans pour autant me pervertir, voilà mon futur projet.
En avril, je serai à Nancy, il y a le festival A.m.i.s. et des expos en Bretagne en attendant des rencontres et des opportunités...

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(*) «Tuttle» est le nom du chauffagiste rebelle interprété par Robert de Niro dans le film de Terry Gilliam.



– The End –
Retrouver Mystère Tutle dans sa page Facebook.
Mystère tutle
Vivre autrement... Et peindre !!!


Un artiste intègre, qui vous répond sans détours, et sans manières. Qui peint comme écrivent les poètes et, aussi, comme ceux que révolte le monde. Qui dédaigne «le moteur de l’argent», mais avoue simplement qu’il «aimerait vivre mieux».
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De sa jeunesse punk, on devine qu’il a gardé le goût de la révolte – elle couve en lui et déborde parfois dans sa peinture. Mais le «no future» ne le concerne plus: il a découvert la beauté et la poésie des choses simples. Et mis un sourire dans chacune de ses toiles.

Interview : Monica Swinn (2014)
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 La nuit tous les oiseaux sont bleus – 2011
(81 cm x 116 cm).
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