INTERVIEW
► Martin Edenik: Bonjour, Paul! D’emblée, vous avez commencé par utiliser un polaroïd. Pour quelles raisons?
► Paul Von Borax: Je crois que c’est pour les imperfections naturelles de l’image, le côté aléatoire, jamais deux fois la même chose, les couleurs superbes, l’unicité de l’objet et la magie de l’instantané.
► Martin Edenik: Les stocks de films polaroïd étant presque épuisés [ je vous cite ], vous envisagez d’autres procédés comme, par exemple, le collodion humide. De quoi s’agit-il?
► Paul Von Borax: Tout d’abord, il reste Fuji, avec ses FP 100C et FP 3000. Ils ont malheureument
abandonné le FP 100b, qui était juste une pure merveille quand il était exposé à 1500 asa... Aujourd’hui, je progresse en collodion, et je pense que cela va devenir mon nouveau
cheval, mais avec son 1 asa (maxi), les contraintes sont quand même un peu plus drastiques... Par contre, on revient à des œuvres uniques, et ça, j’adore.
► Martin Edenik: Vous avouez volontiers ne pas rechercher «l’acte photographique parfait». Qu’est-ce qui vous importe le plus dans votre démarche artistique?
► Paul Von Borax: Je crois que ce que j’aime par-dessus tout, c’est l’émotion. Celle PENDANT la séance, qui fera que certains clichés me plaisent PARCE QUE la prise de vue était plaisante, d’autres parce que, via un regard, une attitude, un pli, ils racontent une histoire. Et peu importe la
parfaite lumière, la parfaite fille, la photo nette...
► Martin Edenik: Pour certaines de vos thématiques, vous écrivez une sorte d’introduction, un fragment de roman imaginaire qui vous permet de situer vos
photographies dans l’espace et le temps comme, par exemple, ‘‘les Fumeuses’’ ou ‘‘les Sauvages blanches’’. Vous aimez inventer des histoires pour mieux expliciter vos univers?
► Paul Von Borax: Non, juste parce que j’aime les histoires. Derrière une photo, on s’en raconte une. C’est l’émotion. Moi, j’aime bien inventer des histoires et je les crée en même temps que les séries. Elles sont interpénétrées dès leurs naissances. Je suis en train de passer à l’image animée pour cette raison aussi, mais là, il faut D’ABORD écrire l’histoire, sinon, c’est un bordel sans nom...
► Martin Edenik: En 2010, vous exposiez à l’Espace Van Gogh, à Arles, et vos ‘‘Sauvages blanches’’ avaient fait forte impression. La Presse avait sympathiquement joué votre jeu en vous taxant «d’explorateur». 2010 a été une grande année pour vous?
► Paul Von Borax: Eh bien, oui! J’ai rencontré et travaillé pour la première fois avec une grande maquilleuse, Anne Arnold, qui a changé l’approche de la Photo pour moi. Parce que j’ai enfin trouvé une artiste pour qui le monde de la Photo ne s’arrêtait pas à la Mode (même si elle adore et qu’elle essaye désespérement de m’y entraîner). Avoir une personne de cette qualité prête à faire des photos juste pour l’amour de l’art, ça m’a troué! Alors j’ai compris que même sans argent, on pouvait emmener plein de gens de talent dans des aventures si
celles-ci étaient belles.
► Martin Edenik: Des séries comme ‘‘les Fumeuses’’, ou ‘‘les Sauvages Blanches’’ sont-elles achevées? Ou bien êtes-vous susceptible de les prolonger? D’une manière plus générale, y a-t-il un moment où vous vous dites que telle ou telle thématique est épuisée?
► Paul Von Borax: Elles sont achevées. Définitivement. Pour deux raisons: ‘‘les Fumeuses’’ sont un livre. Le livre est imprimé. Fini. Bouclé. ‘‘Les Sauvages’’ le deviendront, bientôt j’espère. Mais, de par ma position de photographe amateur, c’est aussi un moyen de ne pas avoir cent modèles qui me demandent toutes la même image: «Oh, je voudrais faire une fumeuse!»... NEIN!!! Faut passer à autre chose, faut progresser, aller vers d’autres horizons. Sinon, on s’encrasse et on tourne en rond (En bref, je me fais chier!!!).
► ► Martin Edenik: Vous affectionnez la Belle époque, les années 1900, du moins à travers vos photographies. Cette période vous intéresse particulièrement? Qu’aimez-vous en elle?
► Paul Von Borax: Ahah! J’aime, parce que c’est une époque où je trouve les femmes absolument féminines. C’est quand même le début de la libération de la femme (suffragettes) et la guerre leur a donné une place qu’elles n’avaient pas dans la société d’avant. Elles sont devenues indispensables, plus libres, plus revendicatives,
moins soumises. J’adore! Au niveau esthétique, ça se traduit par une plus grande liberté: sans perdre le raffiné des tenues du XIX
e, assez abouties quand même, elles vont aussi vers du moderne, du masculin avec les garçonnes, explorent des graphismes, des coupes... ça part dans tous les sens. Avec goût. En tout cas pour moi.
► Martin Edenik: Quels sont vos projets pour les deux ou trois prochaines années? Des expositions? Des livres?
► Paul Von Borax: Des expos, bien sûr! Faire tourner celle des ‘‘Fumeuses’’, évidemment, et d’autres qui sont en cours. Mais dont je ne parlerai pas ici, bien sûr aussi. Des livres: oui, transformer ‘‘les Sauvages’’ en un carnet de voyages, avec des dessins, des photos, des textes, mais je veux
un papier ultra basique, brut, presque du papyrus, et une couverture en croûte. Je veux en faire un objet fragile...
► Martin Edenik: Quels photographes et quelles modèles appréciez-vous particulièrement?
► Paul Von Borax: Pffff.... Je connais pas les noms... Ah! si! Y’a Helmut Newton. Son musée à Berlin est génial! Sinon, j’aime mes copines, mes copains, et ma chérie, Rachel O’Chocolat, qui est mon meilleur modèle (et en plus, donc, c’est ma chérie...). Ensuite, il y a des modèles qui sont bien pour certaines photos et d’autres pour d’autres genres... Mais j’aime bien les modèles qui ont dépassé le stade «Je DOIS être belle»; celles qui sont au stade: «Je ferai tout pour LA photo, puisque tu me respectes en tant qu’être humain».
► Martin Edenik: La thématiques des ‘‘Belles Aliens’’ pourrait-elle vous intéresser?
► Paul Von Borax: Non, j’aime pas la photo de SF. J’aime que les films et les bouquins de SF.
► Martin Edenik: Quel sera votre mot de la fin?
► Paul Von Borax : Du moment qu’on s’amuse...
– The End –