Sculpture de Josef Václav Myslbek (1848-1922),
représentant Libušeet Przemysl.
Cosmas (1045-1125) : chroniqueur et chanoine remar- quablement cultivé dont l’«Histoire de la Bohême» est un trésor d’informations (Chronicae Bohemorum).
Une Libuše Art Nouveau décorant un balcon,
rue Charles, à Prague.
La «Chronica Boëmorum» de Cosmas est le plus ancien exemplaire connu de ce texte écrit en latin au début du XIIe siècle. Cette chronique est accessible en ligne dans la «Monumenta Germaniae Historica».
Libuše, la Prophétesse,
par Vitezlav Karel Masek (1865-1927)
Mais le peuple s’inquiète de voir une femme seule sur le Trône de Bohême. Libuše se choisit donc un mari, un humble paysan nommé Przemysl. «Un jour, raconte Cosmas, Libuše se mit à prophétiser en présence de son mari et indiqua l’emplacement où il faudrait fonder une ville. La ville fut fondée : ce fut Prague.» Dans le Grand Larousse du XIXe siècle, on peut lire ce texte, qui montre bien que, parfois, la frontière est mince entre l’histoire et la légende, d’autant qu’une légende d’hier peut devenir historique aujourd’hui, et inversement:

«Libussa, reine extraordinaire, s’était entourée d’une garde personnelle composée de femmes, comme elle, hors du commun : des guerrières aussi bien entraînées au combat que des hommes. Ces femmes, pour se distraire, adoraient chasser. Un jour que Libussa et ses filles poursuivaient un cerf dans la forêt, elles se retrouvèrent encerclées par des ennemis qui les firent prisonnières. Le lendemain, à l’aube, l’une des filles, Vlasta, incita ses compagnes à s’emparer des armes et des chevaux de leurs ravisseurs. Elles l’écoutèrent et parvinrent à s’enfuir. A la suite de cet exploit, Vlasta devint la favorite de Libussa, qui lui donna le commandement de sa garde.»

Quand Libuše meurt, en 738, à l’âge de trente-huit ans, son époux, le duc Przemysl, décide de dissoudre la Garde de Libuše, trop turbulante à son goût. Forte de huit cents combattantes supérieurement entraînées, la Garde refuse cette dissolution. Apprenant qu’un seigneur des environs de Prague, Motol, montait le duc contre elles et l’incitait à user de la force, ces amazones effectuent un raid nocturne contre le château de Motol, le tuent et s’emparent de ses biens, de ses terres et de ses gens. Elles renforcent  les défenses du château de Motol, qui devient leur première place forte. Ainsi commence, en 739, ce qu’on nommera la Guerre des Filles.

Vlasta et ses guerrières devenant un vrai problème, Przemysl ira jusqu’à proposer le mariage à l’ancienne favorite de la reine défunte. Il lui envoie un émissaire, et des cadeaux. Vlasta accueille fort mal le messager, un certain Pomnikvas : «Des cadeaux, séductions de filles imbéciles, ne m’aveuglent pas. Je connais bien la ruse de Przemysl. Et toi, qui mérite la mort, je te laisserai vivre. Je te laisserai rapporter à ton maître que tu as parlé à Vlasta, mais je te renverrai à lui marqué». Et la chronique ajoute qu’elle le fit mutiler, mais sans préciser quelle partie du malheureux fut ôtée. De retour à Prague, Pomnikvas veut se venger. Il pousse Przemysl à organiser une expédition contre Vlasta. Mais cette dernière a des espionnes à la Cour. Elle fait circuler un mot d’ordre parmi les femmes du pays : «Emparez-vous des armes de vos maris, et empêchez-les de se rendre sur les lieux de mobilisation». L’appel sera entendu : Przemysl n’obtiendra pas le renfort espéré; seul, un petit nombre de volontaires se joindront à lui.

Pendant que Przemysl prépare son expédition, les filles s’organisent. Elles bâtissent une seconde forteresse à Devin, en amont de Vyserhad,  et s’entraînent quotidiennement. De nombreuses femmes en révolte contre leur mari rejoignent leur armée. Pressé d’en finir  avec ce danger grandissant, Przemysl envoie une troupe dont il confie le commandement à un certain Samoslav. Parfaitement informée de ce que trame le duc, Vlasta n’a aucun mal à encercler l’armée des hommes, qui succombent à un déluge de flèches et à l’assaut furieux de ces amazones. Vlasta, de son côté, affronte en combat singulier le chef ennemi et le défait, tandis que ses guerrières poursuivent les fuyards et les exterminent.
Après cette victoire retentissante, qui donne lieu à de grandes réjouissances, Vlasta se retrouve maîtresse d’un vaste territoire. Elle mène des raids contre les contrées avoisinantes, et impose sa loi aux régions tombées sous sa coupe : «Les hommes n’ont plus, sous peine de mort, le droit d’y porter des armes (3). Ils doivent, à cheval, garder les jambes du même côté [...] et ce sont les femmes, désormais, qui choisissent leur mari...»

Przemysl, de nouveau, va employer la ruse. Il propose à Vlasta d’épouser son fils et promet d’abdiquer en faveur de celui-ci, de manière que Vlasta règne à ses côtés. Vlasta décline la proposition et envoie à Przemysl cinquante cavalières chargées de réclamer le pouvoir pour elle seule. Un festin est organisé en leur honneur mais, à la fin du banquet, cent guerriers d’élite surgissent et massacrent les invitées. Vlasta est folle de rage. Elle aura l’occasion de se venger. Ses espionnes lui apprennent qu’un jeune seigneur, un conseiller de Przemysl du nom de Ctirad, va se rendre en mission à l’autre bout du pays. Vlasta confie à l’une de ses lieutenantes, la redoutable Sharka, une troupe de cinquante amazones. Promptement capturé, Ctirad va assister au massacre de son escorte. Cette fois, le duc Przemysl réunit une véritable armée. Il s’empare d’une première place forte, Vidovlé, puis s’attaque à Devin. Les filles repoussent un premier assaut en jetant des pierres sur leurs assaillants. Elles briseront le second en déversant sur les soldats du duc de la poix et de l’huile bouillante. Vlasta profite de la débandade qui s’ensuit pour tenter une sortie. Mais le pont-levis, trop étroit, ne permet pas une charge assez puissante. L’ amazone se retrouve isolée au milieu de l’Ennemi. Un premier coup brise son casque. Elle se bat furieusement, tue cinq hommes puis se retrouve face à Stasion, le plus redoutable guerrier de Przemysl, qui finit par la tuer d’un coup à la tête.

Ainsi se termine la Guerre des Filles, une épopée pleine de bruit et de fureur que les historiens considèrent comme un mythe fondateur semblable à la légende de Romulus et Rémus et de la louve...


– The End –
libuše et vlasta

la Guerre des Filles


Début du VIIIe siècle, quelque part en Bohême (1). Le roi Krok a trois filles: Kazi, herboriste et guérisseuse, Teta, qui parle aux Esprits, et Libuše (2), la plus jeune, qui est sage et juste. «La cadette par l’âge, écrit d’elle le chanoine Cosmas, mais l’aînée des trois sœurs par la raison [...]. Cette femme, poursuit le chroniqueur, était pythonisse. Et comme plusieurs de ses prédictions s’étaient vérifiées [...], le peuple en fit son juge après la mort de son père», lequel lui avait déjà transmis le pouvoir sur son lit de mort.
by Monica Swinn
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Les Amazones: mythe ou réalité?


Longtemps, les hommes ont voulu croire   que les Amazones n’étaient qu’un mythe. De vieilles légendes grecques évoquaient très vaguement des femmes guerrières «qui vivaient en des temps si lointains que la mémoire humaine les avait oubliées». Pure légende ou tradition orale? Hérodote, historien et grand voyageur, nous rapporte le refus d’Amazones que de jeunes Scythes voulaient épouser (Histoires, IV, 114). Elles viendraient d’au delà le pays des Scythes, et auraient vécu sur les rives de la mer Noire, en Asie Mineure ou en Lybie; seraient apparentées aux guerrières scythes et sarmates (Wikipeadia) et se coupaient le sein droit pour mieux tirer à l’arc. Enfin, elles réduisaient les hommes en esclavage ou les mutilaient pour en faire leurs amants, car «l’estropié est le meilleur amant» (Wikipedia). Les Amazones dont nous parlent les anciens Grecs, si elles ont jamais existé, appartenaient sans doute à la Protohistoire, cette période qui précède l’invention de l’écriture. Ce qui explique que, seule, la tradition orale a conservé leur souvenir. Mais d’autres cultures nous parlent d’Amazones plus proches de nous dans l’espace et le temps. Elles aussi sont considérées comme légendaires, mais peut-être plus pour très longtemps, car l’archéologue Jeannine Davis-Kimball a découvert récemment (1992-1995) entre la Russie et le Kazakhstan des tombes de femmes guerrières enterrées avec leurs armes, vers 600 et 200 ans avant Jésus-Christ. Des cavalières, ont révélé des analyses ostéologiques.
«Résolu et fratricide, tel est le combat que livrent les compagnes d’armes de Vlasta, héritière de la reine de Bohême, au monde des hommes dès lors qu’ils pervertissent l’ordre de la Nature pour lui substituer le leur, arbitraire, autoritaire et factice.»
(Christiane Singer)
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