© Yann Cielat.
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 Johann Lefebvre collabore au projet
‘‘Abstract Chaos’’ – Photo: Yann Cielat.
INTERVIEW


► Martin Edenik: Bonjour, Yann! Vous situez votre démarche dans la thématique générale de l’exploration urbaine (Urbex). Pourquoi cet intérêt pour ces territoires en friche?

► Yann Cielat: Bonjour Martin! Quand j’ai commencé la photo, je ne me suis pas dit qu’il fallait absolument que je fasse de la friche. Mais même s’il n’y avait pas cette intention-là au départ, c’est venu finalement assez naturellement. Les territoires en friches synthétisent les choses qui m’ont artistiquement toujours attiré: l’architecture urbaine, le street-art, les films post-apocalyptiques... Ce sont aussi des lieux dans lesquels je trouve graphiquement mon compte, avec beaucoup de lignes de fuite, de grandes profondeurs de champs... Et, surtout, une esthétique du Chaos qui me touche particulièrement. J’ai d’ailleurs un ami qui m’a dit qu’il considérait mes photos comme une poésie du Chaos. J’aime beaucoup cette définition. J’aime quand c’est un peu sale, un peu bordélique. Quand il y a eu de la vie, et qu’on a l’impression qu’elle s’est brutalement figée. Je sais que les «urbexeurs» n’apprécient pas, en général, de trouver du mobilier cassé, des murs graffés, mais moi j’aime ça, cette vie un peu souterraine, ces traces sur les murs, je considère ces friches comme mes grottes de Lascaux!
 
► Martin Edenik: Votre intention, avez-vous écrit, «est de m’approprier ces lieux, en réinterpréter l’atmosphère» [...] afin «que les endroits, les objets et les peintures murales que je photographie se confondent en un seul univers». Comment définiriez-vous cet univers? Et, si vous deviez lui donner un nom, quel serait-il?

► Yann Cielat: J’aime bien exprimer l’ambiance de mon univers par la musique. Et celle-ci serait un mélange d’abstract hip-hop et de trip-hop. Mon univers est clairement post-apocalyptique. Je n’ai jamais vraiment réfléchi à lui donner un nom, mais la première chose qui me vient est ‘‘les Territoires d’en-bas’’, pour son côté ténébreux, underground. Pour mon intention de dévoiler le côté obscur des choses.

► Martin Edenik: Dans la thématique de votre ‘‘Abstract Chaos’’, vous vous associez parfois avec le photographe Johann Lefebvre. Pouvez-vous nous le présenter en quelques mots? Quelle est la part de chacun dans cette association?

► Yann Cielat: C’est mon partner-in-crime. Nous avons commencé cette série ensemble, ‘‘Abstract Chaos’’ est  vraiment notre travail commun. Nous n’avons pas de rôle défini l’un et l’autre; nous prenons et associons nos photos pour constituer cette série (en nous rendant compte au fil du temps que nous ne savons plus, parfois, qui a pris telle ou telle photo). Ce qui nous lie, c’est une sensibilité artistique commune, et une sorte de dogme qui s’est établi naturellement lors de nos shootings ‘‘Abstract Chaos’’. Johann ne montre pas encore son travail sur la Toile, mais quand il va s’y mettre, ça va être de la bombe.

► Martin Edenik: En sauvegardant ainsi une mémoire d’un passé industriel en phase de désintégration, avez-vous le sentiment de faire, en quelque sorte, un travail d’archéologue?

► Yann Cielat: Oui, bien sûr. Surtout quand on sait qu’au moins un tiers de mes photos ne pourraient pas être prises aujourd’hui, parce que les lieux ont été soit démolis soit saccagés. C’est un peu un travail de mémoire, même si ce n’est pas l’intention première. Il m’est parfois arrivé d’être interpellé par des gens qui reconnaissaient leurs anciens lieux de travail sur mes photos et en étaient émus. Je suis très heureux que mon travail puisse avoir également cette dimension historique et émotionnelle!

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► Martin Edenik: Avez-vous eu l’occasion d’exposer votre travail? Ou de le publier?

► Yann Cielat: Avec Johann Lefebvre, nous avons exposé cinq fois notre série ‘‘Abstract Chaos’’. Un éditeur nous a proposé de sortir un livre, fin 2013 si tout va bien. Nous envisageons dorénavant d’exposer de plus grands formats (quand nos épaules seront assez larges pour supporter cet investissement...). Quant à moi, je devais exposer ma série de portraits ‘‘Walk on the wild side’’ à Paris, en juin, mais, malheureusement, le projet a été annulé. Je ne désespère pas de trouver un autre lieu pour présenter cette série qui me tient à cœur.

► Martin Edenik: Combien de lieux en friche avez-vous explorés à ce jour? Et dans quelle(s) région(s)? Combien de temps consacrez-vous, généralement, à chacun de ces lieux?

► Yann Cielat: Assez peu finalement, une vingtaine peut-être, principalement en Normandie. Je reste en général entre deux et trois heures sur place. Et je pense, enfin surtout j’espère ne pas avoir épuisé le stock de spots sur la région. Même s’il est évident qu’à un moment je vais devoir aller visiter d’autres régions si je ne veux pas tourner en rond.

► Martin Edenik: Vous faites allusion, dans votre site, à la faune parfois interlope qui fréquente ces lieux abandonnés. Y avez-vous fait de mauvaises rencontres?

► Yann Cielat: Rien de très méchant, mais des rencontres parfois surprenantes... Les plus marquantes: un gars qui se déshabille entièrement dans un hangar désaffecté (c’est assez déstabilisant), et il n’y a pas très longtemps une douzaine de gars en treillis et armés jusqu’aux dents... Juste des air-softeurs, mais quand on tombe sur eux sans s’y attendre ça fait un choc! Vu le nombre de campements de fortune qui sont dans les friches, je me dis que, niveau mauvaises rencontres, je ne m’en tire pas mal!

► Martin Edenik: Toutes vos photographies sur le thème de votre ‘‘Abstract Chaos sont en noir et blanc. Le noir et blanc est ce qui convient le mieux?

► Yann Cielat: Excepté une, toutes mes séries sont en noir et blanc, c’est une question de sensibilité artistique. C’est un choix qui se justifie encore plus avec la série ‘‘Abstract Chaos’’, dans la mesure où je joue avec le temps. Les photos sont celles d’hier, mais ne pourraient-elles pas être les photos post-apocalyptiques de demain? Je me suis rendu compte au bout de quelques années que le film ‘‘Le Dernier combat’’ m’avait beaucoup influencé: un film d’anticipation, et pourtant tout est ruines, friches et en noir et blanc. Ce noir et blanc est devenu pour moi une composante essentielle de l’esthétique du Chaos.

► Martin Edenik: Quelque chose de particulier que vous aimeriez dire à propos de votre travail?

► Yann Cielat: Mon travail évolue aujourd’hui. J’ai longtemps consacré mon énergie à ‘‘Abstract Chaos’’, mais je m’ouvre de plus en plus à d’autres choses, des portraits, de nouveaux environnements, même si mon travail reste très urbain et très marqué par mon identité artistique. Même si je suis conscient de ne pas avoir choisi la voie la plus consensuelle, je suis un passionné qui n’aspire qu’à continuer à s’exprimer et à partager son travail.

► Martin Edenik: Quel sera votre mot de la fin?

► Yann Cielat: Bienvenue dans mon univers!



– The End –
Retrouver Yann Cielat dans sa page Facebook.
Yann CIELAT
Abstract Chaos


Des fabriques pourrissant au milieu de nulle part, refuges éphémères où s’arrêtent parfois vagabonds et squatteurs. Sur leurs murs ravagés tags et graffitis tentent de nous dire quelque chose d’indicible, comme une protestation qu’aucun mot ne saurait exprimer. Tel est l’univers d’Abstract Chaos, un travail passionnant accompli par le photographe Yann Cielat.

Interview : Martin Edenik (2012)
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 L’artiste, Yann Cielat.
Photo : Johann Lefebvre.
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© Yann Cielat.
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